La mousson
Yangon, quatre heures de l’après-midi. Des traits de pluie viennent frapper le sol dans un crépitement de plus en plus lourd. L’eau se répand. Les passants se mettent à courir vers un abri de fortune.
La devanture d’une boutique, la bâche d’un marchand, la moindre encoignure est occupée. D’autres, plus philosophes sans doute, acceptent d’emblée la défaite et poursuivent leur chemin, le corps et les habits ruisselants. Adossée à un conteneur, une marchande de beignets de légumes se protège sous un large parasol.
Elle entretient son feu de charbon de bois tant bien que mal. Dans la casserole l’huile frétille au contact des gouttelettes d’eau qui y plongent. Les sourcils en forme d’accents circonflexes, elle invective les passants un peu trop pressés qui percutent son beau montage avec leur parapluie. Des torrents dévalent des gouttières. La ville entière se liquéfie.
Les trottoirs, tantôt complètement défoncés, semblent s’aplanir, s’égaliser. L’eau forme à présent une surface parfaitement plane. La chaussée se noie sous ce déluge. Les taxis qui poursuivent leur course déplacent des gerbes d’eau.

Soudain le rythme de l’averse s’accentue. Les nuages crachent en rafales. Les parapluies s’affolent, se bousculent. La marchande de beignets s’agrippe à son parasol. Les pieds dans l’eau, elle assiste au naufrage de son échoppe. Tout son pauvre matériel flotte autour de son brasier.
Mais, le rideau de pluie se fait plus léger. Le niveau de l’eau diminue et laisse apparaître à nouveau les irrégularités de la chaussée. La marchande de beignets retrouve son sourire. Le plus gros de l’averse est passé. Les parapluies reprennent leur ballet. Les encoignures se vident.

Peu à peu, la vie reprend son cours. Les petits marchands ambulants retrouvent leur place. Durians, fruits du dragon, crêpes aux saveurs sucrées ou salées, citronnades faites maison, desserts enrobés de coco,… réapparaissent sur les étals.

Chacun retourne à ses occupations.
A l’abri d’une passerelle, un petit groupe d’ouvriers terminent de prendre leur pause, tandis que le marchand de brochettes continue à rêvassez devant une affiche de cinéma.

Yangon

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