Deir el -Bahari

Beir el -Bahari


« Les reliefs du temple de Deir el-Bahari, l’un des plus extraordinaires d’Egypte, nous donnent une représentation idéalisée des grands épisodes de la vie et du règne de Hatshepsout, de sa naissance divine à son expédition au pays de Pount, mais il ne s’agit pas, à proprement parler, de son histoire ».
CHRISTIANE DESROCHES NOBLECOURT

VISITE DU NIVEAU 1

VISITE DU NIVEAU 2

La première rampe en grès, longue de 50 mètres permet d’accéder au second niveau du Temple.
Le niveau médian est composé de deux ailes qui comportent chacune un portique et une chapelle indépendante.

L’aile gauche (au sud) est constituée d’un portique consacré à l’expédition menée au Pays de Pount et de la chapelle dédiée à la déesse Hathor.

L’aile droite (au nord) est constituée d’un portique consacré à la naissance divine de Hatshepsout (théogamie) et de la chapelle dédié à Anubis.

Temple d'Hatshepsout

AILE GAUCHE – Portique sud : Expédition au Pays de Pount

Le Pays de Pount


L century Gothic 72e portique sud du second niveau est entièrement consacré à l’expédition planifiée par la Reine Hatshepsout au Pays de Pount.
Il subsiste encore des hésitations concernant l’emplacement exact de ce pays dont parlent les Égyptiens. Les textes anciens citent une région située après la cinquième cataracte. Aujourd’hui certains le voit plutôt le long de l’actuelle côte de Somalie. Les dernières estimations le situent à l’extrême « est » du Soudan actuel, voire même en Érythrée.

Quoi qu’il en soit, à l’époque qui nous occupe, le Pays de Pount était reconnu comme un important carrefour commercial dans la région. Des produits en provenance d’Afrique noire, des poteries du Pays de Kush, des marchandises égyptiennes y transitaient.

Le Pays de Pount était un vaste marché d’échanges. On pouvait y trouver des épices, des métaux, l’oliban (l’encens), la myrrhe (gomme résineuse parfumée qui était utilisée pour les embaumements), de l’or, des bois précieux comme l’ébène, des plumes d’autruche, des peaux de léopards, des défenses d’éléphants mais aussi des animaux vivants tels que des babouins hamadryas et cynocéphales, des girafes, des guépards, …

babouins cynocéphales

Babouins cynocéphales- Louvre – Lens
Haut-relief du socle de l’obélisque de Louxor qui fut transporté à Paris et élevé Place de la Concorde

L’expédition

On pense que l’expédition a duré environ 8 mois et que le trajet a bien pu s’effectuer entièrement par voie d’eau. Les reliefs du temple ne montrent d’ailleurs aucune scène de transport par voie terrestre. L’acheminement des arbres à encens dans de grands paniers aurait rendu l’entreprise extrêmement hasardeuse et compliquée par caravane. Il semble également que les cinq bateaux de l’expédition aient navigué en Mer Rouge en longeant la côte.
Les reliefs du temple représentent tantôt la faune marine de la Mer Rouge, tantôt la faune des eaux du Nil .
On identifie ainsi des raies, des poissons-coffres, des crustacés et des calmars caractéristiques des eaux salées tandis que d’autres pans de mur affichent des reliefs de tilapias, de poissons-chats et de tortues d’eau douce.

calmar

Le relief ci-dessus a été accentué avec Photoshop pour obtenir une meilleure visibilité du calmar.

Carte de l'expédition d'Hatshepsout au pays de Pount

Le trajet

Nous n’éviterons pas la question qui brûle le bout des lèvres: Comment font-ils pour passer du Nil à la Mer Rouge?
Une fois n’est pas coutume en histoire, il faudra tremper sa plume dans le mode conditionnel et préférer les suppositions aux affirmations.

Des bateaux en kit
et 200km de désert

La première hypothèse nous amène à considérer un trajet en trois temps:

1- Les cinq navires de l’expédition lèvent l’ancre à Thèbes et descendent le cours du Nil jusqu’à Coptos.

2- À Coptos, les bateaux sont démontés et chargés en pièces détachées sur une caravane qui emprunte la piste Wadi Hammamat jusqu’à Qoseir, au bord de la Mer Rouge. La piste caravanière entre Coptos et Qoseir s’étire sur environ 200 kilomètres dans une région désertique.

3- Arrivés à Qoseir, les bateaux sont à nouveau assemblés et mis à la mer. Les cinq navires mettent le cap vers le sud et longent la côte jusqu’au Pays de Pount.

Il existe quelques variantes à cette hypothèse:

– Celle qui envisage la construction des navires à Coptos.
– Une autre qui voit cette construction s’effectuer sur les bords de la Mer Rouge, à Qoseir ou à Mersa Gawasis.

Mais cette première hypothèse ne semble pas être en adéquation avec l’objectif de l’expédition, à savoir, ramener du Pays de Pount des arbres à encens pour les replanter en Égypte. Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, une traversée de 200km de désert, au retour, aurait sans doute été fatale pour les « Boswellia sacra » (arbres à encens).

La grande boucle par le nord
et le Canal des Pharaons

Au nord, probablement creusé sous le règne de Sésostris III, pharaon de la XIIe dynastie, un canal reliait Boubastis aux Lacs Amers. Ce canal d’eau douce, appelé Canal des Pharaons, permettait une liaison par les eaux entre le Nil et la Mer Rouge.

Dans cette seconde hypothèse, le trajet s’effectue entièrement via des voies navigables, mais le trajet par le nord est forcément plus long.

Dans ce cas de figure, rien n’empêche à l’expédition de s’arrêter à Mersa Gawasis ou à Qoseir pour s’approvisionner à l’aller et à y débarquer une partie de la cargaison au retour. Les marchandises non périssables pouvant très bien être acheminées à Coptos par la piste caravanière.

L’arrivée au Pays de Pount

Le pays de Pount

Sur les reliefs du Portique consacré à l’expédition, on découvre des vues du Pays de Pount. Sur le bord de l’eau, on distingue des huttes montées sur pilotis auxquelles on accède par des échelles. Le paysage se compose de palmiers dattiers, de cocotiers, de sycomores et d’arbres à encens. À l’extrémité droite du relief, un bovidé se repose à l’ombre de la feuillée. Entre les arbres, un oiseau à longue queue s’envole.
Il s’agit sans doute d’un souimanga à longue queue qui se nourrit du nectar de fleurs d’acacia. À l’avant-plan, dans l’eau, on distingue une « tortue molle du Nil » (Trionyx niloticus). Il faut souligner le soin avec lequel les artistes de l’époque ont représenté la faune et la flore de la région, au point qu’aujourd’hui, nous sommes capables d’identifier les différentes espèces animales et végétales.

Le pays de Pount

La délégation égyptienne au Pays de Pount

Accompagné d’une escorte armée de lances et de boucliers, le chef de la délégation égyptienne, le chancelier Néhécy présente des biens à échanger: des haches (1 et 2), des dagues (3), des perles en céramique, de la bière, du vin, des bracelets, des colliers, etc.

Les relations sont cordiales et pacifiques.
L’envoyé de la reine Hatshepsout offre le pain-bière, le vin, la viande, les fruits, toutes choses en provenance de Ta-Meri (La Terre bien-aimée = l’Égypte)

délégation égyptienne au Pays de Pount

(1) Hache d’apparat – Louxor Museum – (2) Hache – Musée du Louvre –
(3) Dague en bronze – Musée de Bâle – (4) Dague – Musée du Louvre

Renforcement des reliefs

Certains reliefs altérés par le temps ne permettent pas d’obtenir une qualité photographique suffisante pour percevoir les différents éléments qui composent les scènes ci-dessous.
Il nous est donc apparu nécessaire d’en tracer les contours, dans le seul but d’en améliorer la visibilité et la compréhension.
Nous présentons chaque fois le cliché de base, suivi des copies retravaillées. Pour certains reliefs nous proposons des agrandissements afin de mettre en évidence quelques détails significatifs.

Les Égyptiens peuvent emporter autant d’arbres à encens qu’ils peuvent charger sur leurs bateaux. Les arbres sont déracinés et empotés pour faciliter leur transport. De grands tas de gommes odoriférantes sont répartis dans des sacs en utilisant l’héqat (ou boisseau) pour mesure (environ 5 litres).
Ci-dessous: trois Égyptiens s’activent à remplir les sacs et à empoter les arbres à encens.

Embarquement de la cargaison à bord des bateaux

Embarquement des marchandises à bord des bateaux

[1] Les arbres à encens empotés sont placés dans de larges paniers suspendus par des cordes à un long bâton.
Il faut six hommes (trois à chaque extrémité du bâton) pour transporter sur leurs épaules la précieuse cargaison.

[2]Sous les directives du commandant de bord qui se tient sur la passerelle avant, les arbres à encens sont disposés sur le pont du navire [3].

[4] Les sacs de gommes odoriférantes prennent également place sur le pont.

D’autres produits sont encore embarqués: ébène, ivoire, peaux de panthères, babouins vivants [5], …

[6] On remarque au passage, une raie sous la coque du navire.

Les cinq navires, d’une vingtaine de mètres de long, placés sous le commandement de Néhécy, reprennent la mer pour le voyage de retour.

bateau égyptien

On dénombre 30 rameurs (15 de chaque côté du navire), un pilote [1] placé à la proue [5] pour sonder la profondeur de l’eau, le capitaine, le chef des rameurs, deux timoniers [3] à la poupe [4] dirigent le bateau à l’aide de deux grands avirons [2] qui préfigurent le gouvernail, quatre membres d’équipage gèrent la voilure.
Si chaque navire comprenait le même nombre personnes à son bord, l’expédition devait compter quelque 195 hommes.

Bateaux égyptiens

Le bateau de gauche possède un système directionnel formé par deux grands avirons (a), comme sur le relief de Deir el-Bahari.
Le second est déjà équipé d’un gouvernail (b).

Le retour de la
flottille à Karnak

Il faut savoir que cette expédition fut présentée au peuple comme une exhortation du dieu Amon en personne. Ce dernier se serait adressé à la reine Hatshepsout en ces termes:

« Les brûle-parfums de vos prêtres sont vides. Vos prières ne montent plus aux dieux car elles n’ont plus d’odeur. Pourquoi ne m’offrez-vous pas les parfums que m’offraient vos pères? Allez au Pays de Pount et remplissez vos navires d’arbres à encens ainsi que de toutes choses agréables ici-bas. »

Le retour des cinq navires à Karnak fut marqué par des festivités au cours desquelles, la reine Hatshepsout fit déposer dans et autour du Temple d’Amon toutes les richesses et les produits rapportés du Pays de Pount en l’honneur de la déité.

Thoutmosis III est associé à la cérémonie. On le voit d’ailleurs debout, les bras tendus, tenant dans les mains deux coupes d’offrandes destinées au dieu Amon.
On prétend qu’à son tour, la reine tendit les bras et répandit l’encens sur son propre corps. En faisant cela, Hatshepsout pose un acte fort. Il ne s’agit pas d’un geste anodin quand on sait que l’encens est réservé aux dieux. Par ce geste, elle confirme non seulement son origine divine, mais elle s’attribue, de son vivant, les prérogatives des dieux. On trouvera confirmation de cela en visitant le troisième niveau du Temple.

Repérage sur place

Il n’est pas toujours aisé de repérer certains reliefs sur les murs. Alors voici quelques indications qui aideront le visiteur à découvrir les reliefs de la girafe et des deux guépards gravés dans la pierre.
Après avoir identifié le ka de la reine Hatshepsout (a piece of cake), il suffit de promener son regard à plus ou moins 30 degrés vers le haut

Deir el-Bahari

Deir el-Bahari

Outre les deux guépards et le relief endomagé de la girafe, une observation minutieuse du même mur permet de poursuivre l’inventaire de la cargaison débarquée: une panthère ou une lionne, des oeufs et des plumes d’autruches, des peaux de léopards, des arcs, des bovidés à grandes cornes, …

Le ka

Resources:
La Reine Hatshepsout: Sources et Problèmes – Suzanne Ratié – Institut d’Égyptologie – Université Paul Valéry 1979 – page 146 et suivantes « CLIC »

Le site http://www.sothis-egypte.com/hatchepsout/hatchepsout.php « CLIC »

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