Les colosses de Memnon

Le colosse qui gémissait


Le colosse de droite, quand on regarde de face, est le plus endommagé, ce qui, étrangement, lui valut une certaine célébrité durant l’antiquité grecque.
D’après une légende locale, la statue « gémissait » au lever du soleil.
Le géographe et historien grec Strabon, l’historien romain Tacite, le géographe grec Pausanias, les historiens Lucien et Philostrate, tous attestent de ce phénomène.

Vers 150 après J.-C., dans son ouvrage « Les amis du mensonge ou l’incrédule » – Chapitre 52- Lucien de Samosate écrivait:

(…)
« Moi, je vais vous raconter un fait qui m’est arrivé, et que je ne tiens pas d’un autre.
Peut-être, en l’entendant, Tychiade, serez-vous forcé de rendre hommage à la vérité de mon récit.
Lorsque, dans ma jeunesse, je vivais en Égypte, où mon père m’avait envoyé pour m’instruire dans les sciences, il me prit envie de remonter le Nil jusqu’à Coptos, et d’aller de là voir la statue de Memnon, afin d’entendre ce son merveilleux qu’elle rend aux premiers rayons du
soleil levant.


Je l’entendis, non pas, comme le commun des hommes, rendre un son inarticulé ; Memnon lui-même ouvrit la bouche pour moi et me rendit un oracle en sept vers, qu’il serait inutile de vous réciter. »

(…)

Philostrate l’Ancien, quant à lui écrivait:

(…)
Memnon lui-même est en Éthiopie, changé en pierre noire, son attitude est celle d’une personne assise, ses traits sont, j’imagine, ceux que tu lui vois dans le tableau. Cette statue est frappée par les rayons du soleil, qui en glissant, comme un « plectre » sur la bouche de Memnon, semblent en faire sortir une voix et consoler le jour par les sons de cette parole artificielle.
(…)

C’est en Éthiopie que Philostrate situe le colosse de Memnon. Suivant les auteurs anciens, Strabon et Pausanias, cette statue se trouvait près de Thèbes, et c’est près de Thèbes aussi que de nos jours se trouve un colosse sur lequel on compte soixante-douze inscriptions en l’honneur de Memnon

Un kingnapping organisé

Comme deux orphelins abandonnés au milieu des champs, les deux colosses de pierre furent durant des siècles, les seuls vestiges visibles du temple funéraire d’Amenhotep III. A l’origine ces deux statues d’une vingtaine de mètres de hauteur, gardaient l’entrée du château des millions d’années de ce pharaon de la XVIIIe dynastie.

Amenhotep III

Amenhotep III-
Musée archéologique de Louqsor

En l’an 27 avant J.-C. un tremblement de terre provoqua des dommages au colosse de droite. C’est à partir de cette époque, que ce colosse se mit à produire des sons à chaque lever du soleil. A tel point que la statue devint bientôt un lieu de pèlerinage pour le monde hellénistique. Les Grecs virent dans ce géant de pierre plaintif, la résurgence d’un héros de leur mythologie : Memnon qui mourut sous le glaive d’Achille au cours de la guerre de Troie. Il n’en fallut pas davantage pour que les statues du pharaon Amenhotep devinrent les colosses de Memnon pour les Grecs et les Romains.

Memnon

A Centuryu IIIe siècle après J.-C., l’empereur romain Septime Sévère, croyant bien faire, ordonne la restauration du « colosse chantant ». Les réparations effectuées ayant mis un point final aux vibrations mélodieuses, la statue devint muette et perdit peu à peu l’engouement des pèlerins.

Septime Sévère répare le colosse endomagé

Amenhotep III

Le tableau ci-dessus ne reprend que les figures régnantes.
Amenhotep III ou Aménophis III

Aménophis III

Ne nous mêlons pas les calames! Il s’agit bien d’une double appellation pour un même pharaon! L’appellation « Aménophis III » est la version grecque d’Amenhotep III.

(voir ci-contre – tête du pharaon Amenhotep III exposée au Musée de Louqsor)

À ne pas confondre avec le scribe royal Amenhotep, fils de Hapou, qui est considéré comme l’un des plus hauts fonctionnaires à la même époque. Il fut entre autre chargé de l’érection des fameux colosses.

(voir ci-dessous – statue du scribe Amenhotep, fils de Hapou exposée au Musée de Louqsor)

Amenhotep fils d'Hapou

Les épouses d'Amenhotep III

Amenhotep III

En observant la liste des épouses d’Amenhotep, on constate que la colonne de droite, énumère une série de mariages que l’on pourrait qualifier de « diplomatiques ».

A Centurymenhotep III épousa plusieurs princesses étrangères dans le but de renforcer ses alliances. Toutes ces noces servaient avant tout la politique étrangère et scellaient en quelque sorte les accords entre l’Égypte et les nations voisines. Il est à remarquer qu’Amenhotep refusa toujours de donner l’une de ses filles en mariage. Cette union aurait offert à certains monarques étrangers l’opportunité de revendiquer le trône d’Égypte, après la mort du pharaon.

C’est aussi dans le but de consolider la dynastie, que nous voyons dans le paragraphe qui fait face aux mariages avec des princesses étrangères, qu’Amenhotep épouse ses propres filles Satamon et Iset. Cette pratique qui n’était absolument pas en usage pour le peuple, l’était cependant au sein de la famille royale. Mariages entre frère et soeur, entre père et fille permettaient en quelque sorte de maintenir la couronne d’Égypte au sein de la famille. En s’assurant d’une descendance légitime et de caractère divin, le pharaon renforçait son pouvoir et garantissait l’équilibre et la stabilité de son royaume.

Colosses de Memnon
Les colosses de Memnon
Les colosses de Memnon

Fouilles et restaurations

A Century l’époque d’Amenhotep III, les deux colosses ornaient le premier pylône du temple des millions d’années qui s’étendait sur 700 mètres dans sa longueur.
Aujourd’hui, derrière les deux colosses de Memnon, un vaste chantier de fouilles explore les 40 hectares du temple funéraire d’Amenhotep III.

Renversés par des séismes ou récupérés pour la construction d’autres bâtiments, des murs et des pylônes il ne reste presque rien.
Mais à l’intérieur de l’enceinte, de nombreux vestiges en pierres dures sont mis au jour grâce au travail patient et rigoureux d’une équipe internationale de chercheurs et de restaurateurs dirigée par l’archéologue Hourig Sourouzian.
Les deux colosses du premier pylône ont été nettoyés et sont étudiés à l’aide de différentes techniques, telle que la « photogrammétrie ».

Désormais les deux colosses de Memnon ne sont plus seuls

Les deux colosses du second pylône ont été exhumés et redressés (voir photos ci-dessous) faisant apparaître une représentation, en bon état, de la reine Tiyi.(voir ci-contre)

« Jusqu’à présent, le monde connaissait deux Colosses de Memnon, à partir d’aujourd’hui, il connaîtra quatre colosses d’Amenhotep III », a déclaré Me Hourig Sourouzian.

Mais d’autres surprises attendaient les archéologues. Une colossale statue représentant le dieu de la sagesse Thot, sous la forme d’un babouin a été déterrée.

« C’est la toute première fois que l’on découvre une statue en pied représentant le dieu Thot » s’est exprimé l’ancien ministre des Antiquités égyptiennes Zahi Hawass.
Il ne se passe quasi plus une semaine sans qu’une nouvelle découverte soit annoncée.
– Une double statue représentant le couple Amenhotep III et le dieu faucon Rê-Horakhti (l’Horus de l’horizon)
– Une double statue représentant Amenhotep II en compagnie du dieu Amon.
Il est à remarquer que dans les représentations du pharaon, ce dernier est à chaque fois de la même taille que la divinité qui l’accompagne. Amenhotep est élevé au niveau des dieux. (voir ci-contre, un autre exemple de double statue exposée au Musée de Louqsor).

Il faut encore ajouté à cette liste:
– Un sphinx à corps de crocodile
– Un sphinx acéphale (sans tête) et un autre représentant le roi. On évoque l’hypothèse que le sphinx acéphale aurait pu représenter la reine Tiyi.
– Une grande quantité de statues de la déesse Sekhmet ont également été exhumées.

Fouilles du Temple funéraire d'Amenhotep III

Maquette temple funéraire d'Amenhotep

(by N. Hampikian)

La photogrammétrie

Cette technique permet de représenter un site selon les points de vue de différents appareils photographiques. Aujourd’hui, l’utilisation de drones permet de multiplier le nombre d’angles de vue d’un même monument. Les données numériques enregistrées sont ensuite traitées par un ordinateur, qui grâce à un programme de modélisation est capable de fournir une restitution précise du monument.

Hourig Sourouzian et la reine Tiyi

Dr Hourig Sourouzian devant la reine Tiyi.- Photo Mission Memnon/Amenhotep.

Sobek et Aménophis III

Le Musée de Louqsor possède une double statue représentant Amenhotep III en compagnie de Sobek, le dieu crocodile.

Nouveau colosse

La mise en place des vestiges des deux colosses du second pylône est terminée

Fouilles Amenhotep III

Photos prises à partir de la vidéo présentée au Musée de Louqsor

Sekhmet

Amenhotep a fait sculpter des centaines d’exemplaires de la statue de Sekhmet. Certains avancent que son temple funéraire devait en contenir plus de 700. Mais après la mort d’Amenhotep, bon nombre de ces statues ont été dispersées et réutilisées dans d’autres temples d’Égypte.

Aujourd’hui, tous les grands musées archéologiques du monde en possèdent au moins une dans leurs collections (voir ci-dessous).

Depuis 1998, ce sont plus de 280 statues de la déesse Sekhmet qui ont été exhumées par l’Amenhotep III Temple Conservation Project que dirige le Dr Hourig Sourouzian.
Ce nombre considérable de statues de la déesse à tête de lionne s’explique peut-être par la santé précaire d’Amenhotep III durant les dernières années de son règne.
Sur l’une des statues de la déesse Sekhmet que possède le Louvre, une inscription

gravée à l’avant du siège mentionne « Amenhotep III aimé de la déesse ».

Une déesse à multiples facettes

On l’appelle « La Grande Dame – La Dame des deux pays (Haute et Basse Égypte) – Déesse de la guerre – Les yeux de Rê – La puissante – La fureur de Rê – La magicienne – La maîtresse des maladies ».
Sekhmet est une divinité

ambiguë, à la fois protectrice et redoutable. Coiffée du disque solaire, elle consume ses ennemis. Sa colère peut engendrer des guerres. Elle répand les épidémies et la famine. Si la bête qui est en elle est sauvage et destructrice, sa féminité lui confère aussi un instinct maternel très prononcé. Elle se montre alors très protectrice. Elle veille sur le foyer.
Patronne des médecins, elle guérit les malades grâce à ses pouvoirs magiques.

Sekhmet dans divers musées

Parmi les musées qui possèdent au moins une statue de Sekhmet de l’époque d’Amenhotep III citons : The British Museum – Museo Egizio de Turin – Le Musée du Vatican – Le Musée du Louvre – The Metropolitan Museum de New York – Le National Museum de Copenhague – Le Musée d’archéologie méditerranéenne de Marseille – Le Musée de l’Ermitage à St Petersbourg – Le Neues Museum de Berlin – Le Musée archéologique de Bâle en Suisse – Le Kunst Historishes Museum de Vienne – The Brooklyn Museseum USA -The Museum of Fine Arts de Boston USA – Pennsylvania Museum USA – Kelvingrove Art Gallery and Museum de Glasgow, Scotland – Le Musée archéologique de Louqsor – Le Musée du Caire –

Musées de Bâle, du Caire et de Marseille

Dr Hourig Sourouzian

Amenhotep dans les musées

Resources:
  • Nouvelles découvertes et travaux récents au Temple d’Amenhotep III à Kôm El-Hettan Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres
  • L.I.S.A wissenschaftsportal – Gerda Henkel Stiftung
  • Le Louvre : Statue de la déesse Sekhmet -Département des Antiquités égyptiennes
  • C’était au temps où Memnon chantait… Marie Grillot et Marc Chartier
  • Magazine Histoire et Civilisations – Le Monde et National geographic – N°36 Février 2018
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