ette mini expédition nous a permis de progresser sur des terrains très différents. Une fois la rivière DAYANG atteinte, je me croyais sauvée. Mais comme la végétation est trop dense, une surprise plus pénible encore nous attendait : il faut circuler dans le lit de la rivière que nous prenons presque à sa source.
Eddy saute de pierre en pierre, je glisse de mousse en mousse. Lorsque la rivière grossit, il faut marcher pieds nus sur les pierres.
Eddy hurle qu’il blesse des cloches déjà en sang et finalement il renonce et enfile ses boots. Soulagé, il m’encourage à en faire autant. Mais je n’en démords pas et je me déchausse une vingtaine de fois dans ce cours d’eau.
À chaque fois, je tente de me sécher les pieds avec une serviette éponge humide et boueuse. Je choisis de progresser près des berges où la vase se mélange aux feuilles, c’est plus profond, mais presque doux.
Je suis au bord des larmes de douleur, mais je ne montre pas mon découragement. Je perds souvent l’équilibre, car la vase est imprévisible.
e forme le voeu que ce bateau puisse nous attendre et nous conduire au camp.
Mais lorsque nous arrivons sur la plage de galets brûlants tout est silencieux et il faut se résoudre à traverser à pied.
De premier abord, cela semble plutôt facile, mais les préparatifs de Prado en disent long. Il se taille pour l’instant un solide bâton et nous fait signe de l’attendre.
Il a pris son temps pour trouver un passage où l’eau ne dépasse pas sa culotte. Il revient pour traverser le sac d’Eddy et je lui fais comprendre que je me chargerai du mien.
Il me taille un bâton et m’invite à l’imiter.
Sa technique consiste à caler le bâton dans les pierres pour faire un ou deux pas. Lorsqu’on a assuré sa stabilité, on bouge le bâton.
J’avance ainsi seule dans de petits rapides dont je n’imaginais pas la force à si peu de profondeur. Le courant augmente avec le niveau de l’eau et je suis presque à la moitié.
Prado qui a déjà déposé le sac, vient à ma rencontre. Il lance son bâton à Chouchou et empoigne le mien. Il me fait signe de me tenir à lui. Il était temps, mon pied glisse, je perds l’équilibre emportée par la force de l’eau, mes jambes se dérobent et je n’ai rien à quoi m’agripper si ce n’est ce frêle petit homme qui me retient d’une poigne solide.
Je dois à l’honnêteté de dire que sans ses conseils, son aide et sa force je n’y serais pas arrivée.
Il m’indique très précisément la voie à suivre pour gagner l’autre rive et va chercher Eddy, qui s’en tire beaucoup mieux que moi et s’est même chargé pour l’occasion de l’appareil photo. C’est, je le sais le dernier cours d’eau à traverser.
Cette expérience extraordinaire est derrière nous et quelques détritus m’annoncent que nous regagnons la civilisation. Je reconnais un des chemins de randonnée que nous avions emprunté le jour de notre arrivée, en guise d’entraînement.
Prado nous invite à passer devant puisque le chemin est balisé. Nous faisons halte dans le campement des orang asli et Prado reçoit outre le prix convenu, toutes les provisions non utilisées.
J’aime être parmi ces gens et je leur fais comprendre que je reviendrai.
Nous rentrons au camp et les gens nous regardent avec étonnement. Nous sentons le fauve, nous sommes crottés jusqu’à la racine des cheveux et un peu hagards aussi. J’ouvre la porte du bungalow : enfin un lit, une salle de bain… Eddy me quitte pour aller commander un vrai dîner au resto du camp.
Nous passons quelques moments dans le camp des oran asli. Instants privilégiés après les efforts de ces trois journées dans la jungle malaise.
Regards … moments inoubliables.
En réalisant ce reportage sur le Taman Negara et en redécouvrant avec vous ces clichés, nous avons une pensée émue pour cette population dont la forêt est le royaume. Que sont-ils devenus ? Les enfants que nous voyons sur les photos doivent presque avoir quarante ans en 2014.
Ce qui, à l’époque, nous avait surpris dans leur comportement, c’était cette grande indifférence qu’ils témoignaient vis-à-vis de ce que nous possédions. Vivant pourtant à proximité du camp des rangers, ils ne manifestaient pas le moindre intérêt pour ce que l’on pourrait appeler les objets usuels de notre société de consommation. Rien ne semblait retenir leur attention. Ils vivaient de peu, ne possédaient que quelques objets. Une assiette métallique, une casserole, une pièce de tissu pour se vêtir, un pahan (machette), quelques fleurs fraîchement cueillies, du tabac… c’est à peu près tout.
Cliquez pour agrandir
-
Un campement oran asli dans le Parc national du Taman Negara.
-
Dans le camp oran asli, une femme admire le nouveau longyi rapporté par Prado.
-
Jeune garçon dans le camp oran asli.
-
Petite fille Oran Asli. Deux épingles de sûreté en guise de boucles d’oreilles.
-
Femme et enfants dans le camp Oran Asli du Taman Negara.
-
Jeune fille Oran Asli s’allumant une cigarette.
-
Mère et enfant dans le camp Oran Asli du Taman Negara.
-
Prado, notre guide dans le Parc national du Taman Negara.
-
Le peigne de Prado, notre guide.
-
Un peu de repos après l’effort. Vue générale de la jungle dans le Parc du Taman Negara.
ddy me lance : « Comment as-tu le courage ? ». En fait, je vide les sacs, j’étends la tente et je rince quelques pièces de vêtement. Peu après, assis dans le restaurant du camp, nous attendons notre commande tout en revoyant les péripéties des derniers jours. Quelle expérience!
Nous devisons sur ces souvenirs encore tout frais tandis qu’on apporte le potage. Enfin un vrai repas, enfin assis à une table. C’est fou comme d’être privé, même durant une courte période, on apprécie subitement le confort pourtant minimal dans un camp de jungle.
Tout à coup le pauvre Chouchou reçoit une grande éclaboussure de potage sur la chemise toute fraîche qu’il vient d’enfiler. Dans l’assiette de soupe, nous constatons une activité anormale lorsque surgit du liquide à peine chaud un lézard qui s’enfuit à toutes pattes.
Il s’agit d’un gecko qui a dû vivre la trouille de sa vie. Nous supposons que les ventouses du pauvre animal ont lâché alors qu’il circulait au-dessus de nos têtes.
Tout à coup le pauvre Chouchou reçoit une grande éclaboussure de potage sur la chemise toute fraîche qu’il vient d’enfiler. Dans l’assiette de soupe, nous constatons une activité anormale lorsque surgit du liquide à peine chaud un lézard qui s’enfuit à toutes pattes.
Il s’agit d’un gecko qui a dû vivre la trouille de sa vie. Nous supposons que les ventouses du pauvre animal ont lâché alors qu’il circulait au-dessus de nos têtes.
Une chance pour lui à l’endroit de l’impact se trouvait une piscine qui a amorti la chute : la soupe d’Eddy. Mais quel environnement !
Même ici la nature reprend ses droits. Le pauvre petit lézard a tout intérêt à prendre ce soir un bon bain dans la forêt. En dégustant un rice and curry, nous tirons la conclusion de notre mini expédition : pour notre couple cela n’a rien changé, mais pour chacun de nous les choses sont maintenant différentes.
Après le repas, je retourne chez les Orang Asli, mais l’orage gronde et je me précipite sur le chemin du retour avant l’averse. Les arbres sont secoués en tous sens et je dois faire attention de ne pas être assommée par les fruits qui tombent d’eux -même des manguiers. J’en ramasse un au passage comme dessert, et après cette dégustation je me glisse dans les draps.
Dès le lendemain, je me dis que j’ai rêvé.
C’est dimanche et nous nous octroyons une journée entière de repos. Nous rassemblons les derniers objets que nous estimons non indispensables et nous retournons chez Prado et les siens.
Dès le lendemain, je me dis que j’ai rêvé.
C’est dimanche et nous nous octroyons une journée entière de repos. Nous rassemblons les derniers objets que nous estimons non indispensables et nous retournons chez Prado et les siens.