Première nuit dans la jungle
Une fois à l’abri de notre tente, commence l’inventaire des blessures et les soins.
Tous nos vêtements sont trempés, et sentent le « fumé ». Nous ne trouvons pas le sommeil, malgré l’intense fatigue. Sous le tapis de sol, nous avons disposé une couche de feuilles de palmier qui fait office de matelas. Pour ajouter à l’inconfort de la situation un orage survient. Mes lectures sur les nuits passées en jungle me hantent.
La réalité dépasse, mon imagination. Les oiseaux et les singes font un vacarme épouvantable. À tout instant j’ai le sentiment qu’une bête sauvage se promène dans notre campement improvisé. Les éclairs illuminent la clairière, le tonnerre au loin rend l’ambiance pesante et cette fois, j’entends distinctement un animal rôder autour de la tente.
J’attends tous les sens en alerte un éclair pour voir de quoi il s’agit, mais je ne distingue rien à travers les fines mailles de la moustiquaire.
Avec la nuit vient le froid. Nous nous sommes rhabillés. Prado est venu chercher des tisons comme d’autres emportent une couverture.
Avant d’être vaincue par la fatigue, j’ai une pensée pour mes futurs rhumatismes.
Séjourner dans la jungle n’est pas facile. Après quelques tentatives individuelles, j’ai vite compris qu’il valait mieux imiter Prado.
J’observe sa technique : il affectionne les troncs d’arbre. En tombant, ces géants écrasent tout dans leur chute et dégagent ainsi un chemin dans la végétation.
Après quelques balades en équilibre sur l’écorce, nous gagnons de l’assurance. À vrai dire, il y a des désagréments à tous les étages. Nous trébuchons sur des racines, des branches me griffent les mollets, nos vêtements restent accrochés à de grandes feuilles pourvues d’épines, jusqu’à mon chapeau qui se retrouve suspendu à une liane. Nous traversons souvent des ravins, y descendre sans glisser tient de l’acrobatie et pour remonter, de l’autre côté, je pousse Eddy, qui passe le premier, puis je lui tends les sacs et ensuite il me tire. Prado, rompu à ces exercices nous regarde sans comprendre, mais rien ne l’étonne.
Nous nous éloignons rarement d’un cours d’eau, de nombreux torrents nous fournissent à boire à volonté. Par deux fois, il nous faut changer de rive le long de la rivière TENOR, pour trouver un chemin plus praticable. Il faut alors se déshabiller, se tordre les chevilles sur les galets, tout en avançant dans l’eau jusqu’à mi-cuisses. Avec un tel taux d’humidité combiné à la chaleur, impossible de garder un t-shirt sec plus de 2 minutes.
Il nous arrive aussi de perdre notre guide. Une seconde d’inattention, nous nous engageons sur ce que nous croyons être sa trace alors qu’il a bifurqué sans se retourner. Dès que nous le perdons de vue, je suggère d’arrêter et d’appeler dans la direction présumée de sa disparition. Bien entendu, il réapparaît venu d’ailleurs. Quelle angoisse !
Mais pourquoi me direz-vous sommes nous distraits à ce point. Et bien parce que nous subissons l’attaque des animaux sauvages. Nous en avons croisés des centaines, tous de la même espèce : des insectes. Dès l’aube, les guêpes nous tournent autour attirées par nos vêtements trempés de sueur salée. J’ai été piquée par 2 méchants frelons en continuant tout droit alors que Prado avait fait un écart de 20 cm à peine. Cela tient à peu de choses. Les fourmis sont les plus nombreuses. Elles vont de l’extra-small au XXL. Une fable assure que la fourmi n’est pas prêteuse, mais celles du Taman Negara n’ont pas lu Lafontaine et distribuent l’acide formique avec générosité. Impossible de les éviter lorsque nous enjambons des troncs de plus d’un mètre de hauteur ou lorsque nous avons besoin d’une branche pour nous hisser dans notre progression. Je terminerai cet inventaire par des papillons, de la taille d’une main, qui décorent la forêt par leurs vols incessants dans des tons qui vont du jaune pâle au noir profond.