Nous sommes debout à l’aube et avons levé le camp après un simple petit-déjeuner.
Prado a voulu goûter les vitamines !
Il en aura besoin, car aujourd’hui nous progressons à travers tout.
Il attaque à la machette juste le strict nécessaire pour se faufiler en prenant soin de choisir certaines plantes et pas d’autres. Des animaux dont nous n’entendons que les cris fuient à notre approche, sauf un petit serpent.
Je stoppe net, j’appelle le guide. La bestiole, bien vivante, mais totalement immobile a échappé à la vigilance de notre homme. Il me fait signe de passer un mètre plus à gauche.
Nous rencontrons de nouveaux obstacles comme le tronc d’arbre arrêté dans sa chute. Impossible de passer en dessous sans ôter les sacs à dos.
À propos de troncs, malgré que nous en avons maintenant parcouru un grand nombre, nous détestons ceux qui servent de ponts.
Nous jouons les équilibristes avec quelques kilos sur le dos et je suis toujours contente lorsqu’Eddy m’ouvre les bras de l’autre côté.
J’observe la nature dès qu’elle me laisse un peu de répit et je prends quelques photos. Bien souvent, je manque de lumière et Eddy me lance : je ne regrette pas de ne pas avoir emporté mon appareil. Il souffre surtout dans les montées. Je précise qu’il ne s’agit pas de grimpettes, mais bien d’escalade. Mais, nous apprenons assez vite à choisir les racines pour assurer notre progression.
Nous atteignons la rivière RENUIS que nous traversons à de nombreuses reprises. C’est une perte de temps considérable et nous avons marché pendant 5 heures pour un trajet qui devait faire 2 fois moins. Nous sommes sur les rotules, mais il faut continuer. Prado décide de prendre le sac d’Eddy c’est le plus encombrant : avec la tente. Cela nous permet d’accélérer l’allure. Je m’essuie le visage pour la 20e fois avec l’intérieur de mon chapeau, lorsque, dans une montée abrupte, j’entends le bruit de la cascade.
Nous approchons et tout à coup les rochers apparaissent ruisselants de fraîcheur. L’endroit est extraordinaire de beauté. Prado dépose les sacs dans un abri indigène et m’aide à trouver un endroit pour planter la tente. J’installe notre campement tandis qu’Eddy se déshabille et file en direction de la cascade. Je le retrouverai, un peu plus tard, en slip au milieu du torrent ingurgitant des litres d’eau fraîche.
Prado m’enseigne sa technique pour faire le feu. Nous dînons rapidement d’une soupe de nouilles et de poisson à la tomate. La prudence nous a dicté de faire le feu à l’avant d’un abri. L’orage nous surprend alors que nous prenons un thé dans le soir tombant. Prado se prépare pour la nuit : il met le feu sur toute la longueur d’un tronc d’arbre parallèle à l’entrée de son abri et se couche le long de cette chaufferette improvisée. J’ai remarqué qu’il reste sous sa cabane lorsqu’il pleut Il a bien raison, un arbre s’est abattu de l’autre côté du torrent dans un fracas assourdissant alors que je rinçais la vaisselle. Je file au camp et j’examine avec attention la santé des arbres aux alentours de la tente. Cette nuit nous n’entendrons pas les animaux sauvages, leurs bruits seront couverts par la cascade !
En me levant, ce matin, ma première pensée va au lit que je retrouverai ce soir. Prado réclame sa vitamine et me laisse allumer le feu avec du bois humide. Nos vêtements sont dans un état lamentable, mais il faut les enfiler tels quels.
Dès notre départ ça grimpe à travers une végétation basse. Comme il a plu et que nous devons nous aider des arbustes pour avancer, nous sommes immédiatement trempés. Pendant plus d’une heure, nous montons ainsi.
Enfin, Prado s’assied : c’est bon signe, j’ai remarqué qu’il se repose toujours lorsque le passage difficile est terminé. Nous sommes exténués par ces quelques jours d’expédition au point qu’enjamber un tronc d’arbre devient un plaisir : celui de s’y asseoir un instant avant de passer l’autre jambe. Eddy est dans sa période caprice. Il m’annonce qu’il ne bougera pas de là tant qu’on ne lui apporte pas « une bonne bière ».
J’arrive à lui faire entendre raison et il se ressaisit en fantasmant sur une belle grappe de raisins. Jamais, me dit-il, il n’a rien fait d’aussi dur.