Dégradation, pillage et préservation du tombeau de Séthi 1
Hathor
Pour les uns, Belzoni est un pilleur d’antiquités, pour les autres, il est une sorte de pionnier de l’archéologie. Il faut sans doute tempérer les deux affirmations car le contexte de l’époque était très différent de celui que nous connaissons.

La campagne égyptienne de Bonaparte avait produit en Europe une vague d’intérêt pour cette fascinante culture de l’Égypte antique. Cet enthousiasme entraîna à la fois, le déplacement d’œuvres d’art et la détérioration des antiquités sur le terrain, car de nombreux reliefs et statues furent expédiés vers

les grandes métropoles européennes pour enrichir tantôt, des collections privées, tantôt les collections naissantes de certains grands musées (British Museum, Musée de Turin, …)
Le tombeau de Séthi 1 peut être tout à fait considéré comme un exemple représentatif de ce qui pouvait se passer sur le terrain à une époque, ne l’oublions pas, où l’archéologie en tant que science d’investigation du passé, n’existait pas encore.
Si les pilleurs de sépultures de l’Egypte Ancienne avaient endommagés le sarcophage pour s’emparer des parures de la momie, la tombe connu bien d’autres outrages au cours du XIXe siècle.

Les bonnes intentions

Quiconque visitait la tombe, était susceptible de se servir. On démantelait des piliers entiers et des reliefs pour n’en retirer qu’une simple tête peinte. En plus des têtes, les cartouches royaux et les hiéroglyphes inhabituels étaient aussi la proie des chasseurs d’antiquités.
C’est sans doute, avec l’intention de sauvegarder une partie des plus beaux reliefs que Jean-François Champollion et Rossellini enlevèrent en 1829, deux reliefs symétriques situés dans l’entrée du corridor 7 (sur le plan de la tombe). Sur les deux représentations, le pharaon Séthi 1 est accueilli par Hathor, déesse de l’amour, de la joie et de la régénération. Hathor offre au roi son collier « ménat » en signe de grande affection (voir ci-dessous les deux premières cases).

Dans la foulée, Champollion et Rossellini prélèvent aussi le relief représentant la déesse Maât (voir ci-contre) qui se trouvait à l’entrée de la salle 12 (sur le plan de la tombe). Cette divinité symbolisait l’ordre et l’équilibre du monde représentés par la plume glissée dans le bandeau frontal. Ce relief est actuellement exposé au Museo Archeologico/Egizio di Firenze (Florence).
Entre 1842 et 1845, Carl Richard Lepsius mena l’expédition prussienne en Egypte. Sa mission consistait à ramener à Berlin, les moulages des imposantes sculptures et des objets d’art originaux. Lepsius préleva un côté entier d’un pilier pour le Berliner Museum (voir la case à l’extrême droite, ci-dessous).

Déesse Maât

Déesse Hathor accueillant Séthi 1

Le relief ci-dessus est aujourd’hui au Museo Archeologico/Egizio di Firenze (Florence).
Déesse Hathor accueillant Séthi 1

Le relief ci-dessus se trouve aujourd’hui au Musée du Louvre à Paris.
Séthi 1 devant Osiris

Le relief ci-dessus qui provient de la « salle des piliers » (N°9 sur le plan) se trouve aujourd’hui au Neues Museum de Berlin.
L’exportation de ces « trophées archéologiques » était parfaitement légale à l’époque. Il faut également reconnaître que ces reliefs déplacés à l’étranger ont conservé leurs couleurs d’origine, grâce aux conditions de préservation dont elles ont bénéficié dans les musées. Ils sont souvent dans un bien meilleur état que ceux restés sur leur site d’origine.
Fragments prélevés dans la tombe de Séthi 1

Les 700 oushebti de Séthi 1
Lorsque Belzoni pénètre dans la tombe de Séthi 1, celle-ci n’a pas été entièrement vidée de son contenu par les pilleurs de l’Antiquité. Il reste, bien entendu le sarcophage vide, beaucoup trop lourd pour être emporté. Mais, l’Italien y trouve également, éparpillés sur le sol, des oushebti, ces statuettes qui accompagnaient le défunt pour le servir dans l’au-delà. Le terme « Oushebti » signifie d’ailleurs « celui qui répond ».
Ces petits objets (environ 18 cm) étaient facilement emportés par les aventuriers de l’époque, voire même par les archéologues. Ils étaient alors souvent destinés à être offerts comme présents à l’une ou l’autre personne influente.
Aujourd’hui, les quelque 700 oushebti de la tombe de Séthi 1 sont dispersés dans de multiples collections, pour la plupart en Europe. Les 22 exemplaires que possède le Vatican sembleraient avoir été offerts par Belzoni en personne.
Les aquarelles de Belzoni

B times
elzoni documenta chaque détail de ces décors dans des aquarelles qui s’avérèrent être une véritable chance pour la reconstitution de la tombe.
Les prélèvements et les recherches anarchiques, mais également plus tard, le tourisme de masse et les changements géologiques conduisirent à la dégradation du tombeau du pharaon. Il dut être fermé pour la première fois en 1990 et ne fut depuis, rouvert que de manière sporadique.

Dessins de Belzoni

Les dessins de Belzoni

Tourisme en Egypte
Avant le tourisme de masse, il était déjà question de pique-nique à l’entrée des tombeaux. (Photos 1 et 2 :Touristes vers 1900) – Francesco Ballerini, un pionnier de l’égyptologie. A cette époque, l’archéologue ne devait pas seulement s’armer de patience (Photo 3) Museo Egizio de Turin
Les causes des dommages
L Centurya dégradation et les dommages commencèrent tôt. Les pluies, rares mais violentes, constituèrent la première menace, comme ce fut le cas en décembre 1818 où durant une tempête, de l’eau et de la boue entrèrent dans la tombe, fissurant ou détruisant plusieurs murs.
En 1825, c’est avec un succès modéré que J. Burton essaya de se prémunir contre de tels dégâts en mettant en chantier des canalisations et des systèmes de tuyaux souterrains, afin de drainer les eaux de pluie.

L Centuryes visiteurs d’aujourd’hui se retrouvent face à un mur plein d’affreuses taches de tailles différentes dans lesquelles les couleurs ont disparues ou ont été très altérées. Le contour régulier révèle ce qui s’est passé. Les premiers chercheurs copièrent les représentations non seulement à la plume ou au pinceau dans des carnets de notes, mais ils prirent également l’empreinte des reliefs avec une sorte de papier buvard humide. Afin de bien délimiter les contours, le papier était fermement pressé sur le relief. Une fois asséché, le papier gardait une impression négative, tout en prélevant une partie de la couleur de l’original.
Pour son exposition londonienne, Belzoni avait déjà réalisé des moulages de cire sur quelques reliefs. Les 240 calques de papier humide, opérés dans la tombe par John Gardner Wilkinson en 1826 et Henry Stobart en 1854/55, gardent la couleur originale restée collée au verso du papier.
Même si ces couleurs ne pourront jamais être remplacées dans la tombe, elles fourniront de précieuses indications lors d’une reconstitution.
Les terribles dommages causés aux superbes couleurs originelles de la tombe de Séthi 1er sont dus à des empreintes en cire et en stuc, mais surtout à des calques de papier humide.

Empreinte à la cire

Les calques en papier humide

Très populaires au XIXe siècle, ces derniers furent appliqués sur les reliefs les plus beaux et les plus intéressants, comme ceux de la Salle des Beautés (N°8, sur le plan de la tombe) ou encore sur la représentation de la Vache Céleste (N°10, sur le plan de la tombe).Le calque, une fois réalisé, montrait au verso la couleur d’origine, restée collée car soluble à l’eau. Il fut rarement tenté de protéger la couleur originale avant d’appliquer le papier mouillé. Les dommages les plus importants ont donc été causés par l’humidité des calques.

Les empreintes en cire

A l’origine, Belzoni fabriqua des empreintes en cire pure, mais pour une meilleure consolidation, il ajouta des matériaux végétaux tels que la paille et la résine. Il empêchait ainsi le moule de se déformer au moment délicat de l’extraction du mur.

Des traces des impressions de Belzoni sont encore visibles aujourd’hui sur les murs. De plus, la cire rendit transparent le pigment blanc à base de huntite (calcium, magnésium et carbonate) de sorte que le support gris est apparu. D’autres couleurs sont devenues plus sombres sous l’effet de la cire et ont perdu leur luminosité originelle. Quelques-unes des empreintes sont encore conservées au British Museum de Londres et au Museum of Fine Arts de Boston.

Les empreintes en stuc

Ce sont les empreintes en stuc et en plâtre qui causèrent les dommages les plus irréversibles sur les murs de la tombe. L’eau contenue dans ces matériaux délava non seulement la couleur, mais elle déposa aussi une pellicule de stuc. Il faut encore ajouter à cela la contrainte mécanique lorsque l’empreinte était retirée de son support. Le procédé détruisit irréversiblement la coloration des reliefs.

Technique de l'empreinte au stuc
La technique des empreintes en stuc ou en plâtre.
Dans la vidéo ci-contre, Juan Carlos Arias, membre de l’équipe de Factum Arte, illustre les différentes techniques qui ont été utilisées par le passé pour réaliser les empreintes des reliefs qui décorent la tombe de Séthi 1er. Ces procédés furent largement répandus au cours du XIXe siècle.
Pour sa démonstration, Juan Carlos Arias opère sur un panneau fac-similé d’un relief de la tombe.

Factum Fondation
en collaboration avec:
Antikenmuseum Basel
und Sammlung Ludwig
et Universität Basel

Texte élaboré à partir du livret explicatif de l’exposition «Scanning Seti. The Regeneration of a Pharaonic Tomb » organisée par le musée suisse Antikenmuseum Basel und Sammlung Ludwig
Sources photographiques:
Musée Egizio de Turin
Antikenmuseum Basel und Sammlung Ludwig
Neues Museum de Berlin
The British Museum

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